Historiquement, elle a été créée par une loi de Vichy en 1941. Puis, elle a été consacrée comme un principe général du droit par le Conseil d’Etat, qui en a progressivement étendu sa portée. Pendant longtemps régi par les lois dites « le Pors », depuis l’entrée en vigueur le 1er mars 2022 du code général de la fonction publique, la protection fonctionnelle est encadrée par les articles L. 134-1 à -12 de ce code.
Quels praticiens peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle ?
Les soignants ont le droit à la protection fonctionnelle :
Bien que les médecins, odontologistes et pharmaciens exerçant dans des hôpitaux publics ne relèvent pas de la fonction publique hospitalière, ils bénéficient aussi de cette protection, sous l’impulsion de la jurisprudence et désormais en vertu de l’article L. 6152-4 du code de la santé publique.
Les internes sont protégés par la protection fonctionnelle :
De même, les internes en bénéficient également compte tenu de la qualité d’« agents publics ».
La protection fonctionnelle étendue à tous, y compris aux enseignants :
Enfin, une récente circulaire interministérielle du 29 mai 2024 réaffirme que l’ensemble du personnel des établissements relevant de la fonction publique hospitalière peut bénéficier de la protection fonctionnelle, en insistant notamment sur les personnels enseignants et hospitaliers exerçant dans les centres hospitaliers universitaires :
- les personnels enseignants et hospitaliers titulaires (PU-PH et MCU-PH) bénéficient de la protection fonctionnelle prévue aux articles L. 134-1 et suivants du CGFP ;
- les praticiens hospitaliers universitaires temporaires y ont également droit, conformément à l’article 2 du décret n° 2021-1645 du 13 décembre 2021 et à l’article L. 6152-4 du CSP ;
- enfin, en application de la jurisprudence du Conseil d’État, cette protection s’étend également aux personnels enseignants hospitaliers contractuels (CCU-AH et AHU) pour leurs missions au sein d’un CHU.
Pourquoi demander la protection fonctionnelle ?
Un praticien hospitalier, un ancien praticien hospitalier ou un interne bénéficie d’une protection organisée par l’hôpital où il exerçait au moment des faits litigieux.
Pour être exonéré de sa responsabilité civile
La responsabilité civile d’un praticien exerçant à l’hôpital ne peut pas être engagée en raison d’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions. Autrement dit, un patient ne peut pas obtenir la condamnation judiciaire du praticien à lui indemniser les préjudices qu’il aurait subi par sa faute.
Il existe cependant une exception lorsque le praticien commet une « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions » (par exemple en cas d’agression ou de viol sur un patient).
Pour être défendu dans un cadre pénal
Lorsque la responsabilité pénale d’un praticien exerçant à l’hôpital est recherchée, l’établissement de santé doit accorder sa protection au praticien, notamment en payant ses frais de justice.
Là encore, il existe une exception lorsque l’infraction pénale correspond à une « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions ».
Pour être protégé et indemnisé en cas d’agression ou de harcèlement
Dans le cas où le praticien serait victime d’atteintes volontaires à l’intégrité de sa personne, de violences, d’un harcèlement, de menaces, d’injures, de diffamations ou d’outrages (sans qu’aucune faute personnelle puisse lui être imputée), l’hôpital doit réparer les préjudices qui en résultent et également financer le procès que le praticien souhaiterait introduire.
De même, si l’hôpital est informé de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du praticien, il doit prendre, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits.
Quelles sont les conséquences d’une demande de protection fonctionnelle ?
Le libre choix de l’avocat et le remboursement de ses honoraires :
Dans ce cadre, le praticien qui mandate un avocat est libre de choisir.
En revanche, pour que l’hôpital prenne directement ou indirectement en charge le paiement des honoraires de l’avocat désigné par le praticien, il est nécessaire que la protection fonctionnelle ait été accordée par l’établissement de santé. A cet égard, la circulaire du 29 mai 2024 susmentionnée propose un modèle de convention d’honoraires entre l’avocat désigné par le praticien et l’établissement de santé concerné, respectant les dispositions du n° 2017-97 du 26 janvier 2017.
Ce décret, qui encadre les conditions de prise en charge des frais de procédure, impose que le praticien en formule la demande par écrit, en exposant les faits la justifiant.
Le refus de protection est attaquable :
En effet, bien qu’il existe une quasi-obligation de l’accorder, l’hôpital peut la refuser s’il estime que :
- le litige concerne une « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions »,
- un motif d’intérêt général s’y oppose,
- la demande n’est pas suffisamment motivée ou tardive.
Le cas échéant, la décision de refus devra impérativement être motivée et pourra faire l’objet d’un recours.
Sur ce point, dans la mesure où il n’est pas rare qu’une protection fonctionnelle soit sollicitée dans le cadre d’un litige interne entre agents, le Conseil d’Etat a récemment précisé que « si la protection […] n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ».
Une protection efficace mais qu’il est utile de compléter par un contrat d’assurance :
Bien que les contours de la « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions » ne soient pas toujours aisés à appréhender pour un professionnel de santé, il faut retenir que, dans la majorité des cas, la protection fonctionnelle suffit à le protéger, dans l’exercice de ses fonctions, notamment lorsqu’il est attaqué par des patients ou leur famille, que ce soit pénalement ou pour tenter d’obtenir une indemnisation.
Il apparaît donc peu utile de souscrire un contrat d’assurance à ce sujet, bien que cela soit toujours conseillé pour garantir les rares hypothèses (aux conséquences néanmoins importantes) dans lesquelles le praticien ne bénéficierait pas de la protection fonctionnelle (parce que l’hôpital refuserait de lui accorder, en cas de « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions » ou dans l’hypothèse où les soins sont prodigués en dehors de l’exercice hospitalier, à des proches par exemples).
Vous avez des questions à propos de la protection fonctionnelle ? Contactez-nous !